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Ensilage Maïs épi : les erreurs à éviter pour le réussir

Ce fourrage très riche en énergie est aussi très difficile à conserver. Une récolte trop tardive, un éclatement des grains trop grossier ou des fermentations insuffisantes au silo peuvent conduire à des pertes onéreuses et mettre la santé des vaches en danger.

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L’ensilage de maïs épi est une forme de récolte de plus en plus prisée par les producteurs de lait. Si les modalités de récolte et de conservation de l’ensilage plante entière sont désormais bien référencées, c’est moins le cas en ce qui concerne le maïs épi. Or les erreurs techniques sur ce fourrage peuvent coûter très cher. C’est pourquoi Elvup, l’entreprise de conseil en élevage de l’Orne, a consacré son cinquième « Défi-ensileuse » à ce thème.

L’ensilage de maïs épi consiste à récolter uniquement l’épi complet, à savoir les grains, les rafles et tout ou partie des spathes, les tiges et les feuilles restant au champ.

C’est un aliment très dense en énergie donc intéressant dans la recherche d’une meilleure auto­nomie. Cette énergie se présente sous forme d’amidon moins soluble que sur un ensilage plante entière, donc moins acidogène, mais non sans risque sur la santé de l’animal.

La récolte est très accessible puisqu’il suffit de monter des becs cueilleurs sur l’ensileuse. Le rendement à l’hectare se situe entre 60 et 70 % d’une récolte plante entière avec un objectif de 55 % de matière sèche (MS). La valeur UFL moyenne est élevée (1,10) avec beaucoup d’amidon (de 550 à 650 g/kg) et peu de NDF (de 200 à 240 g/kg). Le coût rendu silo s’évalue à 170 €/t de MS. « Le maïs épi est un produit de haute valeur. C’est aussi un aliment difficile à conserver. Il faut être très précautionneux et respecter plusieurs paramètres afin d’éviter des pertes ­ qui peuvent facilement atteindre de 20 à 30 % », prévient Yann Martinot, directeur technique d’Elvup. Ces paramètres concernent la matière sèche à la récolte, la granulométrie (l’éclatement des grains), la durée de stockage et l’optimisation de la conservation.

Danger en cas d’excès de by-pass

Pour comprendre ces enjeux, il faut rappeler les différentes voies possibles pour l’amidon de maïs ingéré par un ruminant. La part soluble, dégradée dans le rumen, l’objectif est d’atteindre 70 % de cette valorisation ruminale ; la part by-pass, non utilisée par les micro-organismes du rumen, passe dans l’intestin où la capacité d’assimilation est limitée ; le reste, c’est-à-dire tout ce qui n’a pas été digéré, fermente dans le gros intestin ou est rejeté dans les bouses (amidon bye-bye !). Ces pertes peuvent atteindre 30 % du total et dégradent nettement la valeur UFL réelle du fourrage. Les fermentations dans le gros intestin, liées à l’excès d’amidon by-pass, sont aussi préoccu­pantes car elles provoquent une inflammation chronique qui fragilise la paroi intestinale et la rend perméable aux pathogènes. Le risque est grand pour l’état de santé de l’animal. « L’observation de bouses liquides, avec des petites bulles et parfois des résidus de grains de maïs, peut orienter vers un diagnostic d’acidose, alors qu’il s’agit de fermentations intestinales excessives », alerte Yann Martinot.

Rendre l’amidon soluble

Pour une même teneur en matière sèche, la part d’amidon by-pass va dépendre de la granulométrie et de la durée de conservation de l’ensilage. En effet, la gangue protéique de prolamine, qui enferme les globules d’amidon et limite la fermentation ruminale, va progressivement être dégradée par les bactéries lactiques à l’intérieur du silo. Or, à partir de combien de temps peut-on ouvrir le silo pour atteindre l’objectif de 65 à 70 % d’amidon soluble ? Ensuite, plus la granulométrie sera fine, plus les fermentations­ seront intenses pour rendre l’amidon disponible dans le rumen.

Pour répondre à ces questions de granulométrie et de temps de conservation, Elvup a conduit une expérimentation dans une ferme, en conditions réelles, mais aussi sur des minisilos. L’impact de la granulométrie y a été évalué avec deux réglages de l’éclateur à 1 mm et 1,5 mm. La dégradabilité de l’amidon (DT amidon) et la qualité de la conservation ont été mesurées entre 0 et 56 jours après la récolte, avec des intervalles de temps de quinze jours. Le maïs épi a été récolté au niveau de matière sèche optimum : 55 à 56 %. À cette maturité, la DT amidon est de 39 % à la récolte et elle n’est que de 60 %, 56 jours plus tard. « Ce niveau est encore trop faible. Le fourrage sera pleinement valorisé pour des valeurs de DT amidon de 65 à 70 % qui ne seront atteintes que plus tard. Nous étions pourtant au bon stade de récolte. À plus de 60 % de MS, il faudrait attendre encore plus longtemps, sans être certain d’arriver au 70 % d’amidon soluble. Donc, deux précautions essentielles sont à prendre : éviter une récolte trop tardive et ne pas ouvrir le silo avant le mois de janvier », précise Yann Martinot.

Importance de la granulométrie­­

L’évolution dans le silo concerne aussi la granulométrie. Le jour de la récolte, l’écart entre les deux réglages de l’éclateur (1 mm vs 1,5 mm) est important (taille moyenne des particules : 3,9 mm vs 3,2 mm). Cet écart s’estompe dès le quatorzième jour de fermentation. Pour les deux réglages de l’éclateur, les fermentations ont été suffisamment intenses (pH inférieur à 4) pour rendre l’amidon farineux et réduire la granulométrie à l’identique (2,5 mm).

« On ne peut pas conclure sur un seul essai que le réglage de l’éclateur n’a pas  d’effet sur la granulométrie après deux semaines. Cette mesure, simple à mettre en place au moment de la récolte, est importante car elle est un bon indicateur de la solubilité de l’amidon. L’objectif est d’approcher le plus pos­sible une taille moyenne des particules de 2 mm, mais aussi d’avoir le moins possible de particules supérieures à 4,75 mm dans le tamis. Donc, l’éclateur doit être serré au maximum », explique Yann Martinot.

Conservateur obligatoire

L’autre enjeu important du maïs épi est la qualité de sa conservation. Si un ensilage plante entière est relativement facile à conserver – à condition d’avoir été bien tassé –, il en est tout autre pour le maïs épi. En l’absence des feuilles, c’est un fourrage qui contient peu de sucres solubles pour alimenter les fermentations. Récolté plus tardivement, il est plutôt sec et souvent très contaminé par les levures et les champignons qui se concentrent sur l’épi. D’où l’importance, là aussi, de ne pas dépasser les 60 % de MS à la récolte. Dans l’expérimentation d’Elvup, les minisilos, particulièrement bien tassés et hermétiques, n’ont pas reçu de conservateur, alors que le silo en ferme a été traité avec un conservateur hétérofermentaire à base de L. Buchneri. Le résultat est sans appel, malgré des fermentations intenses sur les minisilos (pH autour de 4), le développement des levures a été important (10 millions UFC/g à 56 jours) avec, à la clé, une instabilité aérobie, donc des risques d’échauffement, de perte de matière et de moindre performance des animaux. Alors que le silo avec conservateur ne dépassait pas les 40 000 UFC/g.

Dominique Grémy

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